Anti-paludéen, “remède” au Covid-19 : Épopée de l’Artemisia, une plante aux nombreuses vertus

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Un autre remède au Covid-19 que l’hydroxychloroquine aurait été découvert sur l’île de Madagascar. C’est ce que défend le Président malgache Andry Rajoelina depuis le 19 avril. Selon ce dernier, l’élément principal de ce remède ne se trouverait pas dans les laboratoires occidentaux mais plutôt au cœur des forêts de Madagascar. C’est en effet la-bas que l’on cultive la plante d’artemisia annua, également nommée armoise annuelle. Elle est à la base du “Covid Organics” (CVO), médicament vendu sous forme liquide dans une bouteille que l’on trouve souvent à la main du Président malgache depuis maintenant plus d’un mois. Madagascar étant le premier producteur d’artemisia au monde avec la Chine, son chef d’État semble y voir une manière de revendiquer une influence géopolitique et une manne économique. Car il est nécessaire de rappeler que Madagascar est l’un des pays les plus pauvres au monde avec 75% de sa population vivant dans l’extrême pauvreté, soit 1,90 dollar par jour.

Le président malgache semble donc souhaiter que l’artemisia devienne l’or vert de son territoire en n’exportant le produit qu’une fois transformé en Covid Organics. Pour ce faire, il distribue le Covid Organics à sa population et l’exporte dans de plusieurs pays africains tels que la Tanzanie, la Gambie, la Guinée-Bissau ou encore le Niger.

Son objectif semble plausible si le produit s’avère efficace. Tandis qu’Andry Rajoielina affirmait le 12 mai à France 24 que « la majeure partie [des 105 malades guéris] ont pris uniquement le produit Covid Organics », Madagascar enregistre cette semaine une montée de cas infectés au covid 19 notamment dans deux foyers principaux à Tananarive et Tamatave. De plus, l’OMS (Organisation Mondiale de la Santé) doute de l’efficacité de cette médecine traditionnelle, faute d’essais cliniques. Un point qui laisse entrevoir les nombreuses controverses dont fait l’objet l’artemisia annua.

Origines et vertus de la plante Artemisia

Largement méconnue mais désormais familière dans le milieu pharmaceutique, l’artemisia est reconnue, selon certains chercheurs, comme un remède au paludisme. Cette maladie transmise par les moustiques fait rage dans les pays à climat tropical, notamment en Afrique. En moyenne 400 000 personnes meurent de cette pathologie chaque année, dont 95% se trouvent en Afrique subsaharienne.

Or, l’artemisia annua a su faire ses preuves en tant qu’anti-paludéen. Non seulement en médecine traditionnelle chinoise mais également à l’époque contemporaine, durant la guerre opposant les États-Unis et le Vietnam. Alors que les Américains se soignaient à la chloroquine, les soldats Vietnamiens bénéficiaient de l’aide chinoise pour lutter contre le paludisme grâce aux vertus de l’artemisia.

Originaire de Chine, l’artemisia fait partie de la famille des astéracées et regroupe plusieurs variétés que l’on retrouve dorénavant en Afrique. Cette plante aux feuilles éparses, semblable à une fougère, prend la forme d’un petit buisson lorsqu’elle pousse naturellement mais peut atteindre 1 à 3 mètres de hauteur lorsqu’elle est cultivée.

Sa cousine, l’artemisia afra, ne contient pas d’artémisinine mais selon plusieurs études elle permettrait également de soigner le paludisme. Des chercheurs ont conclu que la plante dans son entièreté possède des principes actifs anti-paludéens. Ainsi, consommée en infusion ou décoction, ce breuvage diminue les fièvres, est efficace contre certaines maladies virales et servirait de traitement préventif et curatif au paludisme.

L’OMS au cœur d’une controverse à propos de l’Artemisia

À partir des années 2000, face au développement de résistance à la chloroquine, l’OMS (Organisation Mondiale de la Santé) se pencha sur les vertus curatives de cette médecine traditionnelle. La culture de l’artemisia fut alors encouragée dans le cadre de la fabrication d’un traitement antipaludéen composé d’une substances active issue de l’artemisia, l’artémisinine.

Toutefois, les combinaisons thérapeutiques à base d’artémisinine (CTA) recommandées par l’OMS se révèlent être faillibles. Malgré l’émergence de résistance aux molécules antipaludiques actuelles dès 2008, le rapport de l’OMS sur l’Utilisation des formes non pharmaceutiques d’Artemisia publié en 2019 ne préconise pas l’usage de l’artemisia. En effet, l’infusion d’une plante issue de cultures variées ne constitue pas une méthode standardisable comme l’est le médicament. L’organisation craint une résistance à l’artémisinine due à une potentielle utilisation massive et non-médicalement réglementée. Il s’agit d’un principe de précaution de l’OMS. L’organisation recommande ainsi une multiplication d’études avant de promouvoir l’utilisation d’un tel produit.

Cette position que soutiennent de nombreux chercheurs semble néanmoins être sous-tendue par des intérêts économiques. L’industrie pharmaceutique au coeur de l’OMS tire des bénéfices considérables de la production de ces médicaments. Les commerces locaux profitent également de prix relativement élevés de ces produits, au vu du faible niveau de vie des plus démunis. Le développement de l’exploitation de l’artemisia est ainsi semé d’embuches comme le témoigne le médecin-chercheur congolais Jérôme Munyangi, anciennement exilé en France, dans le documentaire Malaria Business diffusé par France 24. Malgré ces limites, la culture de l’artemisia a pu se développer notamment sous l’impulsion d’ONG telle que la Maison de l’Artemisia. Ainsi, nous pouvons aujourd’hui retrouver des pôles de compétences dans 23 pays africains qui sensibilisent les populations à l’usage de cette plante.

Un souffle d’espoir pour l’avenir ?

Le contexte de crise sanitaire mondiale conforte désormais les défenseurs de l’artemisia.  En effet, l’artemisia pourrait potentiellement soigner le covid 19 et le président Andry Rajoelina présente « Covid-Organics » comme un véritable remède. Ce breuvage ne statue encore d’aucune preuve clinique réelle. D’abord présenté comme remède puis comme moyen de prévention, des zones d’ombre persistent quant à la véracité scientifique de cette boisson.

Néanmoins, la communauté internationale en recherche active de remèdes contre l’épidémie actuelle, explore toute piste de recherche ; l’artemisia pourrait être une solution. La fondatrice de la Maison de l’Artémisia espère que les « Etats mettront un peu d’argent sur la table pour que des études robustes puissent se faire ». Cette recherche en faveur du covid 19 pourrait également servir à terme pour la lutte contre le paludisme à l’aide de cette médecine traditionnelle.

Cette perspective participerait à l’émancipation des pays africains qui produiraient sur leur propre sol un remède pour leur population mais aussi pour le reste du monde. L’implantation d’une solution locale est capitale tant pour une question technique car beaucoup de populations en Afrique n’ont pas accès aux soins qui se trouvent à des kilomètres de chez eux, mais aussi pour une question de rapport de forces souvent défavorable à l’Afrique. Face aux nombreux doutes évoqués par l’OMS, le président malgache remarque que : « Si ce n’était pas Madagascar, mais si c’était un pays européen qui avait découvert en fait ce remède, est-ce qu’il y aurait  autant de doutes ? Je ne pense pas. ». Dans l’attente d’un remède validé par l’ensemble de la communauté scientifique, les États africains, Madagascar notamment, prennent leur destin en mains pour répondre à crise sanitaire mondiale.

Steffi Renaud – Ayeri Advisory

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