
Les actualités du continent – 25/10/2020

Transformation and Strategy consulting firm between Africa and Europe with an aerospace and defence expertise
Deux fois par mois, Ayeri Advisory traite d’une actualité marquante pour l’Afrique afin de permettre à ses abonnés de suivre et décrypter les tendances à l’œuvre sur le continent.
Le secteur touristique figure parmi les industries les plus affectées par la pandémie de Covid-19 sur le plan mondial du fait des restrictions sur les déplacements internationaux et des mesures de confinement qui ont essaimé dans la grande majorité des pays. Ce qui a conduit au ralentissement de l’activité dans la restauration, l’hébergement, les loisirs et parcs, ou encore l’industrie aéronautique. Même constat en Afrique où, bien que le secteur ne représente que 2,8% des dépenses touristiques mondiales selon l’Organisation Mondiale du Tourisme (OMT), on observe une trajectoire ascendante des recettes touristiques depuis une dizaine d’années notamment en Afrique australe ainsi qu’en Afrique de l’Est.
S’il est inégalement réparti, le développement du secteur touristique africain concerne malgré tout une grande partie des pays. Le Maroc, l’Algérie, l’Égypte ou encore l’Afrique du Sud figurent parmi les destinations les plus prisées, mais nous retrouvons également la très dynamique région d’Afrique de l’Est. Surtout, les États insulaires en développement tels que Les Seychelles, le Cap-Vert et l’Île Maurice orientent toute leur économie sur ce secteur, qui représente en moyenne plus de 40% de leur PIB.
Aujourd’hui, le tourisme emploie plus de 24 millions de ménages africains et génère ainsi près de 169 milliards de dollars, soit 7,1% du PIB du continent. Le nombre de touristes internationaux en Afrique n’a cessé d’augmenter, si bien que l’OMT a observé en 2017 une croissance de près de 10% par rapport à 2016. Cette évolution s’explique notamment par l’accélération du nombre de compagnies aériennes desservant l’Afrique mais également par la facilité des procédures de visa.
L’impact du Covid-19 fut un choc pour ce marché en pleine expansion. Selon l’Union africaine, le continent aurait perdu près de 55 milliards de dollars de revenus (48 milliards d’euros) issus du tourisme et des voyages tandis que l’ONU anticipe 2 millions de perte d’emplois directs et indirects dans le secteur. Le nombre croissant des cas de coronavirus — 500 000 cas d’infections ont été relevées par le Bureau régional pour l’Afrique de l’Organisation mondiale de la santé le 8 juillet — pousse l’Afrique à maintenir ses frontières fermées.
Malgré tout, les pays de la Communauté Économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) annonçaient mi-juin la réouverture de leurs frontières internationales « d’ici le 31 juillet » en fonction de l’évolution de la pandémie. Alors que l’Égypte et la Tunisie ont récemment repris les liaisons aériennes internationales, l’île Maurice se prépare à l’arrivée de futurs touristes et figure comme « une destination sûre dans le contexte du Covid-19 » d’après le Conseil mondial du voyage et du tourisme (WTTC).
La reprise de l’activité touristique sera cependant périlleuse. Les compagnies aériennes, victimes du coronavirus et pourtant vitales pour la santé économique des pays nécessitent plus de 20 milliards de dollars pour se relever de cette crise. Toutefois, sur 10 touristes internationaux entrés en Afrique, 4 sont originaires du continent, et cette part est en hausse. Elcia Grandcourt, directrice du département Afrique de l’Organisation mondiale du tourisme décèle ici une opportunité de développement du tourisme intérieur voire continental qui représente un marché grandissant.
Ce défi repose d’une part sur les entreprises du continent et l’adaptation de leur offre pour un tourisme local centré sur l’environnement proche, mais nécessite également une véritable émergence des classes moyennes. La ratification de la zone de libre-échange continentale (ZLEC) en 2019 acte pour la paix et la prospérité du contient et vise à établir une zone de libre-échange et de libre circulation des investissements et des populations. Une réelle politique d’ouverture grandissant au sein des organisations régionales pourrait alors contribuer à l’essor du secteur du tourisme en Afrique.
Ayeri Advisory est un cabinet de conseil en Transformation et en Stratégie. Fondé en septembre 2019, il est spécialisé dans l’accompagnement de l’internationalisation des organisations entre l’Europe et l’Afrique. Son ambition est de créer des ponts entre ces deux continents complémentaires en mettant au cœur de la stratégie d’organisation de ses clients, l’humain et l’écologie. Bienveillance, confiance, partage sont les valeurs que nous partageons et souhaitons partager avec votre équipe et à votre projet.
Ayeri Advisory a décidé de se concentrer un fois par mois sur un sujet d’actualité ou de fond concernant le continent africain et de l’analyser en détail. Les « Cahiers d’Ayeri » sont ainsi des études de cas qui se concentrent sur des actions, des opinions ou des stratégies d’opérateurs économiques aux résultats souvent positifs ou menant à une réflexion pour entretenir un nouveau regard sur le continent.
Cette semaine, le Cahier d’Ayeri a décidé d’aborder le thème de l’agriculture en Afrique en portant un regard sur le secteur agricole gabonais. La majeure partie de l’agriculture africaine est composée de cultures d’exportation à faible valeur ajoutée et dépend fortement des marchés extérieurs avec la variation des prix qui en découle. Cependant, malgré une forte image de misère véhiculée depuis de nombreuses années, l’Afrique a le potentiel pour nourrir sa propre population, surmonter l’insécurité alimentaire et la faim tout en devenant un acteur majeur du marché mondial. Une étude minutieuse de l’environnement de ce secteur permettrait aux potentiels investisseurs de se positionner sur ce marché. Le Gabon, Hôte du siège sous régional de la FAO (Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture) en Afrique Centrale est félicité pour « son travail constant et son engagement à faire de l’agriculture un secteur dynamique, capable de soutenir son ambition pour la diversification et la transformation de son économie ». L’analyse du secteur agricole gabonais révèlera ainsi les enjeux structurant le développement de ce secteur en Afrique.
Le marché agricole actuel a connu une progression sans précédent depuis les années 2000 alimentée par l’importance croissante des pays émergents. La croissance de l’économie chinoise a particulièrement propulsé la demande de produits agricoles et influence fortement le marché mondial agricole. Le fléchissement de la progression du revenu et de la demande en Chine combiné au recul de la propension des ménages à dépenser une part supplémentaire de leur revenu en nourriture ont cependant provoqué une contraction de 11% du commerce agricole mondial en 2015. Cette évolution traduit l’importance de la Chine qui, par ailleurs, multiplie les coopérations agricoles sur le continent africain depuis les années 2000.
Le continent africain ne figure pas parmi les premiers exportateurs de produits agricoles et se retrouve devancé par l’Union Européenne, les États-Unis, le Brésil ou la Chine. Cependant, l’agriculture tient une place cruciale en Afrique subsaharienne (ASS) qui emploie plus de la moitié de sa population dans ce secteur et fournit un moyen de subsistance à une multitude de petits producteurs dans les zones rurales. Bien que les exportations de produits agricoles ne représentent que 13 % des exportations du continent africain, très loin derrière celles de pétrole, de gaz et de minerais, certains pays en dépendent fortement. C’est notamment le cas de 75% des pays les moins avancés en Afrique pour qui le secteur agricole représente en moyenne 20% de leur PIB.
Dans la région d’ASS qui décompte plus de 950 millions d’habitants, l’agriculture soulève de nombreuses problématiques. D’ici à 2050, la population sera amenée à doubler et la question de la sous-alimentation sera alors centrale. Bien qu’elle ait diminué, passant de 27 % en 2000 à 19% en 2014, le pourcentage de personnes sous-alimentées, soit la proportion de la population dont la consommation alimentaire habituelle est insuffisante pour fournir l’apport énergétique alimentaire nécessaire à une vie normale, active et saine, reste le plus élevé du monde au sein de cette région. La sécurité alimentaire reconnue comme « l’accès pour tout le monde et à tout moment à une nourriture en suffisance afin de mener une vie active et saine » et sa gestion sont inhérentes aux politiques menées par les différents États africains dont l’instabilité peut ralentir la prise de décision. La faible productivité des ressources agricoles ainsi que la forte croissance de la population participent également à la lenteur des progrès à l’égard de la sécurité alimentaire. Néanmoins, tous ces facteurs varient en fonction des pays dont les structures économiques divergent. Le Rwanda qui emploie plus de la moitié de sa population dans le secteur agricole a fait le choix de moderniser et privatiser son secteur agricole ce qui contribua à la hausse de sa croissance économique cette dernière décennie. Bien que la question de la sécurité alimentaire n’y soit pas encore réglée, de tels changements structurels pourraient permettre aux pays de la région de propulser leur économie.
Les échanges commerciaux intra-africains de produits agricoles se sont intensifiés durant les deux dernières décennies. La volonté des différents États africains a poussé ce développement par le biais d’accords commerciaux régionaux. En mars 2018, 44 pays africains ont signé́ l’Accord sur la Zone de libre-échange continentale africaine, qui vise à accélérer l’intégration économique de l’Afrique et à intensifier les échanges à l’intérieur du continent. En 2016, la part des échanges intra-africains dans le commerce total de l’Afrique est passée à 19,6%, contre 15,2% en 2014. Cependant, l’agriculture ne représente qu’une faible part des marchandises échangées en Afrique. En effet, la plupart des pays africains exportent ce qu’ils ne consomment pas (matières premières) et importent majoritairement ce dont ils ont besoin, en l’occurrence les biens manufacturés. Le commerce intra-africain de produits agricoles gagnerait pourtant à se développer. Cela permettrait de palier aux écarts de productivité conséquents avec les pays industriels mais également de réduire la dépendance aux cours fluctuants du marché mondial agricole. Les opportunités de développement sont d’autant plus importantes que, selon la Banque Africaine de Développement, les consommateurs africains consacrent 80% de leur revenu à la nourriture.
En somme, le secteur agricole africain reste encore très largement sous exploité alors que la politique agressive menée par la Chine dans ce secteur sur le continent africain souligne son importance stratégique. Hôte du siège sous régional de la FAO (Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture) en Afrique Centrale, le Gabon annonçait en septembre 2019 qu’il allait recevoir de la Norvège une aide de 136 millions d’euros pour « la réduction de ses émissions de gaz à effet de serre due à la déforestation et à la dégradation, et pour l’absorption de dioxyde de carbone par ses forêts naturelles ». Recouvert à 90% de forêt et situé au sein de la forêt tropicale d’Afrique centrale considérée comme « le deuxième poumon de la terre » après l’Amazonie, le Gabon possède un gigantesque potentiel agricole. En quoi le cas du Gabon est révélateur des enjeux structurant le secteur agricole en Afrique subsaharienne ?
Le Gabon est un pays situé en Afrique centrale sur le bassin congolais. Avec une superficie proche de celle du Royaume-Uni mais un nombre d’habitants équivalent à celui de la ville de Paris, les 2 millions de Gabonais vivent principalement en zones urbaines notamment au sein de la capitale Libreville. En effet, sur ses 267 667 km² de territoire, près de 90% est couvert de forêt tropicale.
Doté d’une stabilité politique malgré les violentes contestations liées à la réélection de l’actuel président Ali Bongo Ondimba en 2016, le Gabon est une figure de taille en Afrique centrale et représente par ailleurs 12% du PIB régional. Il se démarque du reste des États de la région, étant le seul pays à revenu intermédiaire de la tranche supérieure parmi les membres de la Communauté économique des États de l’Afrique centrale (CEEAC) avec un PIB par habitant proche de 8.000 USD en 2018. Cette démarcation en termes de richesse nationale est indéniablement liée à la structure économique du pays. En effet, le Gabon est un pays rentier dont l’économie repose à 45% sur l’exploitation de ses ressources pétrolières. Omar Bongo Ondimba, père de l’actuel président et ancien président du Gabon avait d’ailleurs dit à ce sujet : « La France sans l’Afrique, c’est une voiture sans carburant. ». Sa rente pétrolière s’accompagne également d’investissements importants dans le domaine des technologies de l’information et de la communication propulsant le Gabon en leader régional de ce secteur. Le Gabon est ainsi la troisième économie d’Afrique centrale mais également l’un des pays les plus riches d’Afrique. Le territoire gabonais peut également tirer sa richesse de ses conditions agro-écologiques très favorables ; dans un contexte mondial marqué par la raréfaction des terres arables disponibles et par une demande alimentaire en croissance continue, la pluviométrie oscillante entre 1800 et 4000 mm d’eau par an favorise une agriculture diversifiée. Le potentiel agricole du pays est estimé à 5,2 millions d’hectares de terres arables dont 1 million présente un caractère exploitable sans dommage à la forêt. Les Gabonais ont légalement tous le droit d’accéder à ces terres disponibles, cependant, seuls 495 000 hectares sont directement exploités.
Malgré le fort potentiel du secteur agricole gabonais, ce dernier ne contribue qu’à 5% du PIB gabonais, soit 3 fois moins que son pays voisin le Cameroun. 60% des besoins alimentaires du pays sont couverts par les importations qui atteignaient plus de 600 millions de dollar US en 2015. Comment expliquer cet état de fait ? Quels défis l’État gabonais doit-il relever ?
Si l’agriculture n’est pas le secteur de prédilection de l’économie gabonaise, c’est que le manque de main d’œuvre en zone rurale est important. Du fait de l’exode rurale, 80% de la population demeure désormais en ville et les agriculteurs gabonais se raréfient. Cette main d’œuvre agricole vieillissante et majoritairement féminine ne se renouvelle pas car l’agriculture est dotée d’une image négative parmi la population et n’attire pas la jeunesse. D’autre part, au fil de l’urbanisation, l’alimentation gabonaise a progressivement changé. Bien que le manioc et les bananes soient toujours des aliments locaux profondément ancrés dans les habitudes alimentaires des Gabonais, leur offre est plus chère et moins disponible. Progressivement, la consommation de produits importés devance celle de produits locaux. C’est le cas notamment du riz, principale céréale importée (notamment de Thaïlande) et consommé dans les villes du Gabon. Globalement, les Gabonais favorisent la consommation de viande et de produits importés plus faciles d’emploi pour les ménagères à celle de légumes ou de poissons locaux pouvant être considérés comme signe de pauvreté.
La faible mécanisation du secteur agricole gabonais composé d’exploitations traditionnelles vivrières ne favorise pas une productivité optimale. La culture du brulis est encore dominante et les agriculteurs se servent peu de la traction animale. La productivité agricole demeure faible et focalisée pour l’essentiel sur les cultures de subsistance pratiquées en petites surfaces. Au-delà du développement insuffisant de la production locale l’absence de maitrise des circuits de commercialisation pénalise aussi le développement du secteur agricole. En effet, le réseau routier, point central du processus de commercialisation des biens agricoles, se dégrade sur une grande partie du territoire. Sur les 9200km de routes tracées, seules 15% sont bitumées et près de la moitié sont en mauvais état.
Le gouvernement gabonais, conscient du potentiel de développement de l’agriculture, s’engage depuis les années 2010 à mener à bien des politiques en faveur de l’agriculture et de l’élevage durables. Cette volonté est nourrie par le besoin de diversifier son économie rentière. En effet, la chute des cours des hydrocarbures en 2014 a affecté la croissance économique du pays. Le taux de croissance annuel de l’ordre de 5 à 6% avant 2014 était deux fois supérieur à la moyenne des pays d’Afrique subsaharienne. En 2018, il stagnait désormais à 0,8%.
Dans l’optique de définir une politique sectorielle précise, le gouvernement lance en 2014 le programme GRAINE (Gabonaise des Réalisations Agricoles et des Initiatives des Nationaux Engagés) financé par la Banque Afrique de Développement. Ce programme a pour but de favoriser l’agro-industrie et s’appuie sur le partenariat entre l’Etat gabonais et le groupe singapourien OLAM. Ce programme repose essentiellement sur le soutien apporté à la création de coopératives agricoles industrielles au travers, notamment, de la distribution de parcelles de terre aux agriculteurs et la mise en place de modalités propres de préfinancement pour faciliter, en particulier, l’accès aux équipements. L’objectif de sa première phase (2010-2019) était d’intégrer 70 000 ha de plantations villageoises et industrielles, réparties entre une filière export composée de palmiers à huile (62 000 ha) et une filière domestique sur 8 000 ha (banane plantain, manioc, piment, tomate). D’autre part, le gouvernement a mis en œuvre un Plan de Relance de l’Économie entre 2017 et 2020 dans le but de diversifier la base productive du pays. En parallèle, le gouvernement gabonais s’adapte aux législations mondiales environnementales et climatiques notamment en matière de lutte contre la déforestation en participant au Codex alimentarius*. De ce fait, la forêt tropicale gabonaise située sur le bassin du Congo est l’objet de nombreuses législations destinées à sa protection ce qui limite les projets d’expansion agricole.
Les résultats de ces politiques sont toutefois mitigés. La problématique du réseau routier, point central dans la diversification de l’économie visée par le Plan de Relance de l’Economie, reste pour l’heure un aspect non prioritaire de la politique générale du gouvernement. Or, les coopératives agricoles mises en place avec le programme GRAINE nécessitent un fonctionnement optimal et stratégique des chaînes logistiques.
Parmi les législations adoptées dans le cadre des politiques agricoles, beaucoup d’entre elles se retrouvent inopérantes faute de règlement pour leur application. Les potentiels agripeneurs gabonais méconnaissent souvent l’existence de ces lois ou se méprennent sur leur fond par manque de vulgarisation. Par conséquent, l’accès à la propriété se retrouve en pratique difficile à octroyer. Encore récemment, le conseil national d’affectation des terres et le ministère de l’agriculture se sont mis d’accord pour le développement de l’agriculture au Gabon avec 45.000 hectares de terres attribuées au Ministère de l’agriculture chargé de la répartition. Cela pourrait directement bénéficier le groupe Olam dans la réalisation de ses projets au Sud-Est du pays dans le Haut-Ogooué qui contribueraient à créer de la richesse et de l’emploi dans ce secteur.
La Chine, comme dans de nombreux Etats africains, souhaite multiplier les investissements au profit de l’agriculture gabonaise. Son expérience en matière de soutien des programmes et projets d’agriculture en Afrique centrale place le gouvernement chinois en partenaire clé auprès des États africains. La Chine prévoit au Gabon le financement de trois centres de formation professionnelle et la compagnie Jinyimeng Group Co s’intéresse à la production de manioc gabonais dans le but d’investir dans sa production de biocarburant.
Malgré des atouts naturels, le secteur agricole gabonais ne contribue que marginalement au développement économique du pays. Pour cause, de nombreux obstacles tant sociaux que techniques ralentissent ce développement. Néanmoins, la volonté du gouvernement est présente et ce dernier œuvre pour la mutation de son secteur agricole. Il s’agit désormais d’évaluer l’évolution ainsi que la réalisation de ces politiques.
Le Gabon a choisi d’investir dans l’agro-industrie mais ces investissements nécessitent d’importants changements structurels et doivent prendre en compte de nombreux facteurs socioéconomiques. Peut-être l’agriculture n’attirera-t-elle jamais les Gabonais mais elle capte l’intérêt d’investisseurs étrangers. Ainsi, le développement du secteur agricole au Gabon relève finalement d’enjeux de souveraineté.
*recueil de normes alimentaires adoptées internationalement ayant pour but de protéger la santé des consommateurs et d’assurer des pratiques loyales dans le commerce des produits alimentaires.
Deux fois par mois, Ayeri Advisory traite d’une actualité marquante pour l’Afrique afin de permettre à ses abonnés de suivre et décrypter les tendances à l’œuvre sur le continent.
Un autre remède au Covid-19 que l’hydroxychloroquine aurait été découvert sur l’île de Madagascar. C’est ce que défend le Président malgache Andry Rajoelina depuis le 19 avril. Selon ce dernier, l’élément principal de ce remède ne se trouverait pas dans les laboratoires occidentaux mais plutôt au cœur des forêts de Madagascar. C’est en effet la-bas que l’on cultive la plante d’artemisia annua, également nommée armoise annuelle. Elle est à la base du “Covid Organics” (CVO), médicament vendu sous forme liquide dans une bouteille que l’on trouve souvent à la main du Président malgache depuis maintenant plus d’un mois. Madagascar étant le premier producteur d’artemisia au monde avec la Chine, son chef d’État semble y voir une manière de revendiquer une influence géopolitique et une manne économique. Car il est nécessaire de rappeler que Madagascar est l’un des pays les plus pauvres au monde avec 75% de sa population vivant dans l’extrême pauvreté, soit 1,90 dollar par jour.
Le président malgache semble donc souhaiter que l’artemisia devienne l’or vert de son territoire en n’exportant le produit qu’une fois transformé en Covid Organics. Pour ce faire, il distribue le Covid Organics à sa population et l’exporte dans de plusieurs pays africains tels que la Tanzanie, la Gambie, la Guinée-Bissau ou encore le Niger.
Son objectif semble plausible si le produit s’avère efficace. Tandis qu’Andry Rajoielina affirmait le 12 mai à France 24 que « la majeure partie [des 105 malades guéris] ont pris uniquement le produit Covid Organics », Madagascar enregistre cette semaine une montée de cas infectés au covid 19 notamment dans deux foyers principaux à Tananarive et Tamatave. De plus, l’OMS (Organisation Mondiale de la Santé) doute de l’efficacité de cette médecine traditionnelle, faute d’essais cliniques. Un point qui laisse entrevoir les nombreuses controverses dont fait l’objet l’artemisia annua.
Largement méconnue mais désormais familière dans le milieu pharmaceutique, l’artemisia est reconnue, selon certains chercheurs, comme un remède au paludisme. Cette maladie transmise par les moustiques fait rage dans les pays à climat tropical, notamment en Afrique. En moyenne 400 000 personnes meurent de cette pathologie chaque année, dont 95% se trouvent en Afrique subsaharienne.
Or, l’artemisia annua a su faire ses preuves en tant qu’anti-paludéen. Non seulement en médecine traditionnelle chinoise mais également à l’époque contemporaine, durant la guerre opposant les États-Unis et le Vietnam. Alors que les Américains se soignaient à la chloroquine, les soldats Vietnamiens bénéficiaient de l’aide chinoise pour lutter contre le paludisme grâce aux vertus de l’artemisia.
Originaire de Chine, l’artemisia fait partie de la famille des astéracées et regroupe plusieurs variétés que l’on retrouve dorénavant en Afrique. Cette plante aux feuilles éparses, semblable à une fougère, prend la forme d’un petit buisson lorsqu’elle pousse naturellement mais peut atteindre 1 à 3 mètres de hauteur lorsqu’elle est cultivée.
Sa cousine, l’artemisia afra, ne contient pas d’artémisinine mais selon plusieurs études elle permettrait également de soigner le paludisme. Des chercheurs ont conclu que la plante dans son entièreté possède des principes actifs anti-paludéens. Ainsi, consommée en infusion ou décoction, ce breuvage diminue les fièvres, est efficace contre certaines maladies virales et servirait de traitement préventif et curatif au paludisme.
À partir des années 2000, face au développement de résistance à la chloroquine, l’OMS (Organisation Mondiale de la Santé) se pencha sur les vertus curatives de cette médecine traditionnelle. La culture de l’artemisia fut alors encouragée dans le cadre de la fabrication d’un traitement antipaludéen composé d’une substances active issue de l’artemisia, l’artémisinine.
Toutefois, les combinaisons thérapeutiques à base d’artémisinine (CTA) recommandées par l’OMS se révèlent être faillibles. Malgré l’émergence de résistance aux molécules antipaludiques actuelles dès 2008, le rapport de l’OMS sur l’Utilisation des formes non pharmaceutiques d’Artemisia publié en 2019 ne préconise pas l’usage de l’artemisia. En effet, l’infusion d’une plante issue de cultures variées ne constitue pas une méthode standardisable comme l’est le médicament. L’organisation craint une résistance à l’artémisinine due à une potentielle utilisation massive et non-médicalement réglementée. Il s’agit d’un principe de précaution de l’OMS. L’organisation recommande ainsi une multiplication d’études avant de promouvoir l’utilisation d’un tel produit.
Cette position que soutiennent de nombreux chercheurs semble néanmoins être sous-tendue par des intérêts économiques. L’industrie pharmaceutique au coeur de l’OMS tire des bénéfices considérables de la production de ces médicaments. Les commerces locaux profitent également de prix relativement élevés de ces produits, au vu du faible niveau de vie des plus démunis. Le développement de l’exploitation de l’artemisia est ainsi semé d’embuches comme le témoigne le médecin-chercheur congolais Jérôme Munyangi, anciennement exilé en France, dans le documentaire Malaria Business diffusé par France 24. Malgré ces limites, la culture de l’artemisia a pu se développer notamment sous l’impulsion d’ONG telle que la Maison de l’Artemisia. Ainsi, nous pouvons aujourd’hui retrouver des pôles de compétences dans 23 pays africains qui sensibilisent les populations à l’usage de cette plante.
Le contexte de crise sanitaire mondiale conforte désormais les défenseurs de l’artemisia. En effet, l’artemisia pourrait potentiellement soigner le covid 19 et le président Andry Rajoelina présente « Covid-Organics » comme un véritable remède. Ce breuvage ne statue encore d’aucune preuve clinique réelle. D’abord présenté comme remède puis comme moyen de prévention, des zones d’ombre persistent quant à la véracité scientifique de cette boisson.
Néanmoins, la communauté internationale en recherche active de remèdes contre l’épidémie actuelle, explore toute piste de recherche ; l’artemisia pourrait être une solution. La fondatrice de la Maison de l’Artémisia espère que les « Etats mettront un peu d’argent sur la table pour que des études robustes puissent se faire ». Cette recherche en faveur du covid 19 pourrait également servir à terme pour la lutte contre le paludisme à l’aide de cette médecine traditionnelle.
Cette perspective participerait à l’émancipation des pays africains qui produiraient sur leur propre sol un remède pour leur population mais aussi pour le reste du monde. L’implantation d’une solution locale est capitale tant pour une question technique car beaucoup de populations en Afrique n’ont pas accès aux soins qui se trouvent à des kilomètres de chez eux, mais aussi pour une question de rapport de forces souvent défavorable à l’Afrique. Face aux nombreux doutes évoqués par l’OMS, le président malgache remarque que : « Si ce n’était pas Madagascar, mais si c’était un pays européen qui avait découvert en fait ce remède, est-ce qu’il y aurait autant de doutes ? Je ne pense pas. ». Dans l’attente d’un remède validé par l’ensemble de la communauté scientifique, les États africains, Madagascar notamment, prennent leur destin en mains pour répondre à crise sanitaire mondiale.
Steffi Renaud – Ayeri Advisory